Centrafrique – Mines : L’ombre persistante du groupe Wagner sur les « diamants de sang »

 

Centrafrique – Mines : L’ombre persistante du groupe Wagner sur les « diamants de sang »



En République centrafricaine (RCA), l’exploitation minière, notamment celle des diamants, est aujourd’hui fortement marquée par une militarisation croissante, des atteintes aux droits humains, et l’influence de puissances étrangères. Le groupe Wagner, société militaire privée liée au Kremlin, est au centre de ce système opaque, consolidant son emprise sur les ressources naturelles à travers des opérations économiques et sécuritaires coordonnées.

Bien que la présence russe soit officiellement justifiée par des accords de coopération militaire signés avec le gouvernement centrafricain, elle se manifeste dans les faits par la prise de contrôle de sites miniers stratégiques, notamment dans les régions de Berbérati, Bria et Boda. Le groupe Wagner n’opère pas directement sous son nom. Il utilise plusieurs entreprises-écrans, parmi lesquelles Lobaye Invest, Midas Ressources, Diamville et Kalogé – des entités enregistrées localement mais reliées à des structures russes.

Ces entreprises ont obtenu des concessions minières et facilitent l’extraction, la transformation et l’exportation des diamants, en dehors des canaux officiels. Le commerce ainsi généré échappe largement au fisc centrafricain, tandis que les communautés locales, qui dépendaient de l’exploitation artisanale, sont souvent contraintes de quitter leurs terres ou de travailler sous des conditions coercitives.

Des rapports crédibles font état de violences commises par les mercenaires de Wagner à l’encontre des populations civiles, notamment pour sécuriser l’accès aux zones riches en ressources. Des taxes illégales sont imposées aux mineurs artisanaux, tandis que des villages entiers sont vidés en cas de résistance.

Une partie des diamants extraits de manière illicite est exportée via des circuits informels vers des marchés internationaux, contournant les normes du Processus de Kimberley. Les destinations identifiées incluent notamment les Émirats arabes unis, la Turquie, l’Inde et, de manière indirecte, la Russie. Certains diamants parviennent même à rejoindre les places de négoce européennes, après avoir transité par des pays tiers où l’origine est facilement maquillée.

La situation relance de vives critiques contre le rôle des sociétés militaires privées dans les pays en crise, ainsi que contre l’inefficacité des mécanismes internationaux de régulation. En RCA, où l’exploitation minière pourrait constituer un levier de développement durable, c’est au contraire un cycle d’oppression économique qui s’enracine.

Face à cela, la société civile centrafricaine appelle à une plus grande transparence, à une reprise du contrôle national sur les ressources, et à l’exclusion des groupes armés étrangers du secteur minier. La question reste posée : combien de temps encore le silence complice de la communauté internationale permettra-t-il l’exploitation abusive des richesses d’un peuple en quête de paix et de souveraineté ?

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