Une commission de plus ? La nouvelle coopération franco-haïtienne sous le prisme des échecs passés

 

Une commission de plus ? La nouvelle coopération franco-haïtienne sous le prisme des échecs passés

Face à la crise persistante que traverse Haïti, Paris et Port-au-Prince annoncent la création d’une commission franco-haïtienne chargée de « renforcer la coopération, accompagner la transition politique et soutenir la reconstruction du pays ».

Mais cette annonce soulève déjà des doutes majeurs dans l’opinion publique haïtienne. Beaucoup se demandent si cette initiative sera réellement au service d’Haïti, ou si elle ne reproduira pas les logiques d’ingérence, de contrôle et de profit qui ont caractérisé les grandes "missions d’aide" du passé.

CIRH : un précédent désastreux

Le souvenir de la Commission Intérimaire pour la Reconstruction d’Haïti (CIRH), mise en place après le séisme de 2010, reste vif. Présidée par Bill Clinton et Jean-Max Bellerive, la CIRH était censée canaliser les milliards de dollars promis à Haïti.

Mais sur le terrain, très peu de résultats : des projets flous, une gestion opaque, des contrats confiés à des ONG et entreprises étrangères, sans implication réelle de la population haïtienne. La CIRH est aujourd’hui perçue comme un outil de détournement massif de l’aide, sans reconstruction durable.

Certains analystes affirment même que le séisme, aggravé par une série d’interventions humaines et politiques, a servi de prétexte à un pillage humanitaire organisé.

Une commission franco-haïtienne : pourquoi maintenant ?

La France propose aujourd’hui une commission bilatérale dans un contexte explosif : crise sécuritaire, effondrement de l’État, retour de la diplomatie française sur le dossier haïtien. Ce geste, présenté comme "coopératif et solidaire", intervient alors que la France refuse toujours toute forme de réparation financière liée à la dette de l’indépendance.

Pourquoi cette attention soudaine ? Pourquoi maintenant ?
Et surtout : qui contrôlera cette commission ? Qui décidera des priorités ? Des budgets ? Des bénéficiaires ?
Haïti, ou la France ?

 Risque d’un habillage néocolonial

De nombreux observateurs redoutent que cette commission ne serve, une fois de plus, à renforcer l’influence politique et économique d’une puissance étrangère sous couvert d’aide. L’histoire récente montre que les décisions prises sans la participation réelle des Haïtiens mènent rarement au progrès.

Les critiques rappellent que la souveraineté d’Haïti n’est pas négociable. Sans consultation populaire, sans transparence, sans justice historique, toute initiative externe court le risque d’aggraver la méfiance et la dépendance.


Et si la vraie solution venait d’Haïti elle-même ?

Les Haïtiens n’ont jamais cessé de proposer des alternatives locales, communautaires et citoyennes pour reconstruire leur pays. Ce dont Haïti a besoin aujourd’hui, ce n’est pas d’une nième commission pilotée de l’extérieur, mais de moyens concrets, de respect, et d’espace pour penser et décider par elle-même.

La France dit vouloir aider. Qu’elle commence par écouter, réparer, et se retirer des processus qu’elle a longtemps confisqués.

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