De l’Érythrée à Haïti : quand la conquête armée devient stratégie politique
La montée des gangs en Haïti, en particulier sous la bannière de Viv Ansanm, suscite des comparaisons troublantes avec certaines figures autoritaires africaines. L’un des exemples les plus évocateurs est celui d’Isaias Afwerki, président de l’Érythrée depuis l’indépendance du pays en 1993. Si les contextes sont différents, la logique de prise de pouvoir par la force, l’occupation de territoires et l’affaiblissement volontaire de l’État montre des similitudes inquiétantes.
L’ascension d’Isaias Afwerki : le pouvoir par les armes
Isaias Afwerki n’a pas été élu. Il a conquis le pouvoir en menant une lutte armée de longue haleine contre l’Éthiopie au sein du Front de libération du peuple érythréen (EPLF). Une fois l’indépendance acquise en 1993, il a transformé son mouvement militaire en autorité d’État, concentrant tous les pouvoirs entre ses mains sans jamais organiser d’élections, ni autoriser d'opposition.
Sa stratégie ? Consolider un pouvoir personnel en s’appuyant sur une structure armée, loyale et disciplinée, tout en maintenant un climat de peur et de silence, sous prétexte de défendre la souveraineté nationale.
Viv Ansanm : le miroir inversé, mais la même logique
En Haïti, les groupes armés qui composent Viv Ansanm ne se réclament d’aucune idéologie de libération nationale, mais leur mode opératoire rappelle par certains aspects l’ascension d’Afwerki : conquête de territoires, mise en place de leur propre ordre, affaiblissement des institutions légitimes, et volonté affichée d’influencer ou contrôler les décisions politiques.
Comme l’EPLF en son temps, Viv Ansanm exploite le vide laissé par un État désorganisé, et tente de légitimer son emprise en se posant comme interlocuteur incontournable.
Deux contextes, une même dérive
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Isaias Afwerki a institutionnalisé la domination armée sous couvert de souveraineté.
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Viv Ansanm tente de convertir le contrôle territorial en pouvoir politique, dans un pays abandonné par ses dirigeants.
Dans les deux cas, le fusil précède la légitimité. Le pouvoir ne vient pas du peuple, mais de la capacité à imposer le silence, la peur et l’ordre — chacun à sa manière.
Une leçon pour Haïti ?
Si l’histoire d’Afwerki montre qu’un pouvoir né dans la violence peut s’ancrer durablement et étouffer toute forme de démocratie pendant des décennies, elle doit servir d’alerte pour Haïti. Car ce qui commence comme une prise de territoire peut vite se transformer en régime de fait, sans contrôle ni contre-pouvoirs.
Le moment est donc crucial : reconquérir l’espace public, redonner du sens à la légitimité, et empêcher que la logique des armes ne devienne la norme.
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